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Wetty Beatz : un artiste et un producteur incontournable



Pour notre première interview dans Parlons Soca nous avons le plaisir d’avoir Wetty Beatz. Une occasion unique d’échanger avec ce virtuose de la musique qui a clairement imposé son talent dans la musique Soca depuis quelque temps déjà.


BJ : Wetty peux-tu nous décrire ce que représente la musique Soca en 3 mots ?

Wetty Beatz : FOLIE, ÉNERGIE, PUISSANCE.


BJ : Peux-tu nous expliquer ces choix ?

Wetty Beatz : Parce que la musique Soca nous donne tellement d’énergie. Quand tu arrives à une fête et que tu vois la réaction des gens sur cette musique. La joie qu'ils ressentent. Cela te donne envie de faire la fête et de partager ce que les autres vivent grâce à cette musique. De faire la même chose qu'eux. Surtout quand tu as bu*, tu ne penses plus à rien, tu t’amuses simplement. C’est tellement puissant. La musique Soca est puissante.


BJ : Comment vois-tu la Soca dans 5 ans ?

Wetty Beatz : En tant qu'artiste-producteur, j’ai un son unique. Je pense que de bonnes choses devraient sortir dans les 5 prochaines années, me concernant. Je me vois très loin car j’ai de nouvelles sonorités qui arrivent. Ça devrait influencer les gens et ça a d’ailleurs déjà commencé. Ça va aussi donner l’envie au public de s’ambiancer sur mes sons.


BJ : On te voit beaucoup sortir des singles et des riddim, à quand l’album ?

Wetty Beatz : Oui, je travaille dessus actuellement et si tout va bien, je pense pouvoir le sortir à la fin de l’année. J’espère que vous allez l’apprécier, il y a beaucoup de bonnes vibes dedans.



BJ : …donc ça veut dire que tu as travaillé dessus pendant la pandémie. Comment as-tu géré les sorties de tes projets pendant cette période ?

Wetty Beatz : Et bien, je suis un couteau suisse ! Je fais beaucoup de choses au quotidien. Je suis un artiste, un producteur, un ingénieur, et un compositeur. J’aime aussi le dessin. C’est quelque chose que je fais pour moi, pas vraiment dans le but de le présenter à mon public, bien que c’est moi qui ai conçu les dessins pour le “Super Saiyan Riddim”.


Donc toutes ces choses que je fais habituellement m’ont permis de vivre plutôt bien la période de COVID. J’ai toujours eu pas mal de projets en cours. Et puis, je peux aussi créer de nouveaux sons parce que j’ai mon propre studio à la maison.


Durant le confinement, je n’ai pas cessé de produire de nouveaux projets. Tu sais maintenant avec le digital c’est facile. Les artistes m’envoient leurs voix, j’écris, je pose sur un beat, et je fais une mixtape.


Honnêtement le confinement n’était pas trop dur pour moi. Mais c’est sûr que pour quelqu'un d’autre qui n’a pas tout ça à disposition, ça doit être un peu plus compliqué.


BJ : Si on te dit "Dr. Mashup” avec Machel Montano, "Bottle over head" avec Triniboi Joocie, "Nasty Up" avec Problem Child, "Way yuh deh" avec Terri Lyons et Mr Killa, qu'est-ce qu'ils ont en commun ?”

Wetty Beatz : (rires) Je peux vous dire une chose qu’ils ont en commun : ce sont des chansons Soca (rires). Et elles sont toutes uniques à leur façon.


“Dr. Mashup” est très dansant, entraînant. Tout comme celui avec Terri Lyons et Mr Killa mais avec des sonorités entre Afro et le Jab Jab**. “ Bottle over head ” est unique. Il y a du Steel Pan*** ce qui te rend nostalgique. Cette musique est entraînante dès le début, car généralement les Caribéens anglophones connaissent le Steel Pan. C’est un instrument de Trinidad mais nous en jouons aussi à St. Vincent et dans d'autres îles comme St. Lucie. Si tu ne connais pas le Steel Pan, c’est que tu n’as pas vraiment grandi sur une île.

Donc oui, ces chansons sont uniques et ont leurs propres sonorités. Elles ont une good vibe.


BJ : ….Et puis il y a un autre point commun à ces chansons. Toi. Tu es celui qui apparaît à la production pour tous ces titres à succès

Wetty Beatz : Oui aussi, c’est vrai, elles ont toutes été produites par moi. Ce sont toutes des productions signées Wetty Beatz.





BJ : Ce n’est pas rien ! Te rends-tu compte de l'impact que tu as sur l'évolution de la soca ?

Wetty Beatz : Et bien, je n’aime pas me vanter en disant “j’ai fait ci, j’ai fait ça”. Je suis très humble. Je n’aime pas trop en faire. Mais oui, j’imagine que j’apporte beaucoup dans la musique Soca et que j’amène une influence nouvelle. C’est vrai aussi que je mets en avant des artistes et producteurs en devenir. Effectivement beaucoup de personnes apprécient mon travail. Enfin, je pense, mais je ne le clame pas haut et fort. Je ne me vante pas. Je fais beaucoup de choses dans le monde de la Soca et je pense que c’est du bon travail et une bonne réussite pour moi.

Et puis, l’Univers Soca reste un milieu difficile. Une musique peut marcher d’un coup d’un seul avec le bon label et le bon budget.


[...] effectivement beaucoup de personnes apprécient mon travail. Enfin, je pense, mais je ne le clame pas haut et fort. Je ne me vante pas. Je fais beaucoup de choses dans le monde de la Soca et je pense que c’est du bon travail et une bonne réussite pour moi.

Habitant en Europe, je contribue à apporter un son différent que je pioche ici et là pour la retranscrire dans la Soca. Être ouvert à un nouveau monde, l’Europe et d’autres endroits, ce n’est pas vraiment quelque chose qui se fait dans la musique Soca. Alors, oui, j’apporte autre chose, une sonorité différente. Notamment avec Triniboi Joocie, avec qui je travaille régulièrement et qui vit en Angleterre. Du coup on concocte des chansons "Made in Europe".


BJ : Et d'où vient cette humilité ?

Wetty Beatz : Je ne sais pas (rires).


BJ : Es-tu timide ?

Wetty Beatz : Moi ? Timide ? (rires) Je ne suis pas une personne timide. Je suis un vrai blagueur. Au premier abord, vous pouvez-vous dire : " il a l’air fâché et énervé celui-là ? ” Mais quand vous apprenez à me connaître, je suis très amical et très drôle. Vous pouvez demander à mes proches, eux ils savent (rires).


BJ : Nous avons vu que tu as créé sur Instagram une série de vidéos intitulées “Behind The Beatz”, pour quelle raison as-tu voulu lancer ce concept ?

Wetty Beatz : Le concept “Behind The Beatz ” est né pendant la pandémie. Beaucoup de producteurs m’ont contacté sur Instagram pour me demander “Comment je fais ci, Comment je fais ça ou Comment t’es venue telle idée ? ”. Alors je me suis dit, pourquoi pas créer un concept avec lequel je pourrai montrer aux gens comment je réalise mes musiques.

Il est vrai que je ne rentre pas dans les détails mais je leur montre les principes de la création d’un son. Mettre des notes, mettre une guitare, mettre ci, mettre ça, couper Ici, couper là…

Pour les personnes qui ne s’y connaissent pas en musique, je pense que c’est une opportunité de leur montrer comment ça marche en studio.


D’ailleurs, j’ai un nouveau “Behind The Beatz ” qui va bientôt sortir. Je dois finir mon deuxième studio ici en Hollande et puis je continuerai la série sur YouTube pour montrer aux gens comment je crée un morceau depuis le début et leur donner une idée de comment le mixer, le maîtriser et puis leur montrer tous les aspects de mon travail.

Tout ce concept est venu quand on était confinés. Je me suis dit “essayons quelque chose de nouveau ” : c’est comme ça qu’est venue l’idée.



BJ : C’est très généreux de ta part de partager tes compétences. Quel autre message veux-tu transmettre à travers ta musique ?

Wetty Beatz : J’écoute beaucoup de Soca pour être honnête. Quand tu arrives à un évènement Soca, tu ne peux pas éviter les injonctions. Quand tu entends “cours dans cette direction", “lève ton drapeau ”, “saute ”, tu ne peux pas l’éviter. C’est la base de la Soca et c’est ce qui fait que la Soca est la Soca.


Mais, je pense aussi que la Soca peut sonner différemment. Comme une musique agréable à écouter, avec plein de mélodies. Pas le genre de musique qui nous rend fous (rires), mais quelque chose de plus doux avec des sonorités simples. Comme par exemple (chants) “Ting go nice again when i’m with my friend ”. Une musique qui ne nous demande pas de sauter partout mais qui nous dit que dans n’importe quelle situation difficile, les choses rentreront dans l'ordre. Nous allons tous nous amuser ensemble un jour. Nous allons tous mettre une bouteille sur la tête (chanson : “Bottle over head ”) et boire (rires).


BJ : C’est très intéressant ce que tu dis concernant la Soca car nous avons l’habitude de l’apprécier dans les carnavals notamment. Mais ton point de vue nous amène à dire que nous pouvons aussi l’apprécier en dehors de cette période.

Wetty Beatz : Exactement ! On n’a pas besoin d’attendre le carnaval. Tu peux l'écouter dans différents contextes. Tu peux jouer "Ting go nice again" à quelqu’un en lui disant que tout ira bien à nouveau. D’un autre côté, tu peux juste apprécier “Bottle over head" n’importe quand. C’est un son qui n’a pas de saison. C’est vrai que je vois beaucoup d’artistes Soca sortir des sons seulement pour le carnaval. Et quand le carnaval est fini, on ne les entend plus. Donc je préfère proposer quelque chose de nouveau.


C’est vrai que je vois beaucoup d’artistes Soca sortir des sons seulement pour le carnaval. Et quand le carnaval est fini, on ne les entend plus. Donc je préfère proposer quelque chose de nouveau.

Et puis, quand j’observe qui apprécie le plus la musique et qui danse le plus, c’est bien évidemment les femmes. Et les femmes amènent les hommes à danser. J’essaie donc aussi de faire de la musique qui parle aux femmes (rires). Je suis un gentleman.

En fait, c’est différent de travailler en pensant au public féminin. Il y a des musicalités plus douces. Je capture un concept et visualise ce que je pourrais dire. Du coup, j’utilise beaucoup de métaphores dans ma musique donc tu dois aller au plus profond de ma musique pour la comprendre.



BJ : On sait que tu viens de St Vincent, peux-tu nous parler de la scène Soca là-bas ?

Wetty Beatz : Si je vous disais que St. Vincent est un monde à part, est-ce que vous me croiriez ?


BJ : Nous voulons savoir pourquoi !

Wetty Beatz : Oh vous voulez savoir pourquoi (rires). Avez-vous déjà été à St. Vincent ? St. Vincent est un endroit très différent. Il y avait un moment, où à Trinidad, il n’y avait plus beaucoup de Power Soca mais plus de Groovy Soca. Mais St. Vincent n’a jamais abandonné le Power Soca. Et même si je ne venais pas de St. Vincent, je vous dirais la même chose car je produis de la musique également.


St. Vincent n’a jamais abandonné le Power Soca. [...] Là-bas, on ne voit pas de personnes danser timidement sur de la Groovy Soca. Non ! Vous allez voir des branches d’arbres, des vagues humaines, des t-shirts, des chaussures dans les airs.

Là-bas, on ne voit pas de personnes danser timidement sur de la Groovy Soca. Non ! Vous allez voir des branches d’arbres, des vagues humaines, des t-shirts, des maillots, des chaussures dans les airs. C’est tout ce que vous allez voir ! Vous voyez ce que je veux dire ? C’est tellement différent que pendant la nuit du Soca Monarch cette île se transforme. Farmen Hooper et Skinny Fabulous (deux artistes de St. Vincent) sont les deux artistes qui participent vraiment au Soca Monarch et que l’on va voir pour leurs univers. Farmen Hooper aura tout le parc recouvert de buissons. On pourrait jurer que c’est une forêt. Et Skinny Fabulous aura un parc qui ressemblera à un décor de Noël. Il descendra en rappel comme s’il jouait dans Mission Impossible.

Tu rajoutes à ça toutes les personnes qui courent d’un côté, puis de l’autre. Et puis, tu arriveras et tu te diras : "mais ces gens sont fous " (rires). Si tu es dans la foule, tu dois trouver un endroit où tu peux t’accrocher à quelque chose et rester debout.

Si tu es au milieu, je te le dis et que tu es blanc, tu vas te retrouver totalement repeint. Tu ne vas rien comprendre.

Si tu es au milieu, tu dois savoir ce que tu veux faire là. (rires) Et même dans les gradins où les gens sont normalement assis, l’énergie est complètement folle. Tu vois tout le parc aller vers la droite et ensuite vers la gauche.

Si tu es au milieu, je te le dis et que tu es blanc, tu vas te retrouver totalement repeint. Tu ne vas rien comprendre. Il faut que tu suives le mouvement, si tu ne le fais pas, je suis désolé pour toi (rires). Voilà, c’est juste tellement différent.


Le jour de parade, tu vas voir un homme sur le toit d’une maison sauter dans la piscine des gens et winer (danser) dedans. Tu vas voir un homme avec une seule jambe et te demander : “mais comment est- il arrivé tout en haut celui-là ?


Les Trinidadiens qui viennent à St. Vincent disent qu’ils n’ont jamais vu quelque chose comme ça avant. Et même les Grenadiens nous disent que St. Vincent est d’un autre niveau. Donc oui, à St Vincent, la scène Soca est malade. Mais une fois que le carnaval est fini, les gens écoutent directement de la Dancehall ou d’autres styles de musique. St. Vincent est comme ça depuis des années et je ne pense pas que ça va changer un jour.


BJ : On te voit faire des collaborations avec des artistes des Antilles françaises, quelle est la particularité de ces collaborations ?

Wetty Beatz : C’est très facile de les rencontrer parce que la Guadeloupe et la Martinique sont juste à côté. St Lucie, St Vincent, la Grenade, tout est dans le même archipel. J'ai longtemps vécu à Paris. En France comme en Europe, plus généralement, il y a plein de personnes qui viennent de ces îles et qui en ont déjà la culture. Donc c'est très facile pour moi d’aller les voir et de leur parler d’une collaboration. Les connexions se font naturellement. C’est facile de travailler avec ces artistes.



BJ : Tu as ton label Wetty Beatz Production, peux-tu nous en dire plus dessus ?

Wetty Beatz : Wetty Beatz Production est une maison de production indépendante. Pour l’instant c’est juste moi. J’ai beaucoup de projets et j’essaye de faire quelque chose de différent notamment en impliquant les DJs. Leur influence dans la musique Soca est aussi importante que celle des artistes et des producteurs. Donc pourquoi pas les impliquer aussi dans la production. Et ça donne à la musique Soca une aide supplémentaire. Alors voilà, c'est ce que j’essaye de faire en ce moment avec Wetty Beatz Production. Je me produis moi-même également, donc je m’occupe de moi en priorité. Plus tard j’aiderai d’autres artistes. Repérer des nouveaux talents dans l’industrie de la Soca, et les produire. Pour l'instant, c’est un petit label, un projet personnel qui, je l’espère évoluera pour aider d’autres artistes aussi.

[...] j’essaye de faire quelque chose de différent notamment en impliquant les DJs. Leur influence dans la musique Soca est aussi importante que celle des artistes et des producteurs.

BJ : Peux-tu nous partager une petite exclusivité sur un prochain projet ?

Wetty Beatz : J’ai un projet en cours avec plusieurs DJ justement. Un avec Kevin Crown, un autre avec Freeze International.

Enfin je passe le reste de l’année à produire de bons projets, et donner aux gens de bonnes musiques Soca pendant cette période difficile. Tout le monde ne le vit pas de la même manière. Je voudrais leur donner plein de bonnes énergies à travers la musique Soca parce que c’est l’effet qu’a cette musique sur les gens. Donc voilà quelques projets que je voudrais sortir et j’espère que que le succès sera au rendez-vous).


BJ : Ça aura du succès, comme toujours (rires). Dernière question : où peut-on retrouver ta musique ?

Wetty Beatz : Généralement, je publie mes projets sur You Tube. Vous pouvez également retrouver mes chansons sur toutes les plateformes musicales. Je suis présent sur les réseaux sociaux Facebook et Instagram. Sur Insta, je partage des exclus comme quelques extraits de certains de mes projets. D'ailleurs de temps en temps, je fais aussi des lives dans lesquels je fais participer des invités pour débattre sur certains sujets. Vous pouvez retrouver tous mes liens sur mon site : wettybeatz.com.


BJ : Et bien, merci Wetty Beatz d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. C’était un vrai plaisir d'échanger avec toi.

Wetty Beatz : Avec plaisir, on refait ça quand vous voulez ! ■


Crédits photos et vidéos : Wetty Beatz/Kirth Noel (*) L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Consommez avec modération. (**)Jab Jab : "Jab" est un mot patois utilisé à Grenade qui vient du Français "diable". Dans la tradition de la J’ouvert, ces créatures enduites de mélasse ont pour seul but, semer la terreur. Source

(***) Steel Pan : instrument à percussion réalisé à partir d’une casserole en acier voire d’un galon métallique de 55 litres. Des bosses sont modelées sur les parois afin d’obtenir une gamme de notes accordées. Source


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